L’ancien président de la République, accompagné de douze co-accusés, est appelé à comparaître dans le cadre de ce dossier d’État aux nombreux enchevêtrements.
Au seuil de la salle d’audience
Avant de franchir le seuil de la salle d’audience, Nicolas Sarkozy, fidèle à ses habitudes d’ancien ministre de l’Intérieur, a chaleureusement serré la main des agents de police qui lui tenaient la porte. C’est l’ouverture de son procès concernant les présomptions de financement libyen de sa campagne de 2007 qui l’amène devant le tribunal. L’ancien président de la République, en fonction de 2007 à 2012, est accusé d’avoir conclu un « pacte de corruption » avec l’ancien dictateur libyen Mouammar Kadhafi, aujourd’hui décédé.
Dans cette affaire tentaculaire divisée en 73 tomes, douze personnes comparues, dont trois ex-ministres : Claude Guéant, Brice Hortefeux, et Eric Woerth. Ces derniers sont soupçonnés, à des degrés variés, d’avoir préparé et reçu des transferts financiers en provenance de Libye, bien que le montant total n’ait pas été précisé.
Malgré leur interdiction de communiquer, imposée par leur contrôle judiciaire, Nicolas Sarkozy et ses trois anciens collaborateurs proches, solidaires, ont échangé brièvement avant de s’installer ensemble sur le banc des accusés. Cette scène est significative, plus de dix ans après le déclenchement de l’affaire en 2012.
Costumes-cravates à l’épreuve
Revêtus de costumes sombres accompagnés de chemises blanches, ceux qui ont occupé de hautes fonctions d’État se sont succédé à la barre. Nathalie Gavarino, la présidente, les a invités chacun à décliner leur identité. Claude Guéant, qui atteindra ses 80 ans le 17 janvier prochain, s’est avancé en premier. Ancien secrétaire général de l’Élysée devenu ministre, il est maintenant à la retraite et veuf. Brice Hortefeux, âgé de 67 ans, a également quitté la vie publique et est divorcé après une carrière politique couronnée de six années au gouvernement.
Nicolas Sarkozy, qui fêtera ses 70 ans à la fin du mois de janvier, pratique encore le métier d’avocat et est toujours marié. D’une plaisanterie sur les origines italiennes de son épouse Carla Bruni, il confirme sa nationalité française. Eric Woerth, quant à lui, ancien responsable des finances durant la campagne de 2007, évoque son rôle actuel de député pour l’Oise et sa vie familiale. Il célébrera son 69e anniversaire durant le procès, vers la fin du mois.
Faits marquants et absences notables
Quatre autres accusés ont fait face à la juge, dont Alexandre Djouhri, intermédiaire controversé, arborant un style décontracté avec des baskets. Ziad Takieddine, figure antagoniste en fuite au Liban, a confié à RTL sa disponibilité pour un témoignage en visioconférence. Il maintient ses accusations contre Nicolas Sarkozy, affirmant que Kadhafi aurait financé sa campagne à hauteur de 50 millions d’euros.
Le procès débute sans plusieurs autres accusés. L’ancien gestionnaire des fonds libyen Bechir Saleh, recherché par la justice française, sera représenté pendant ces quatre mois par ses avocats. Khaled Ali Bugshan, un riche Saoudien mêlé à l’enquête sur les œuvres d’art en lien avec Claude Guéant, est également sous le coup d’un mandat d’arrêt. En revanche, Sivajothi Rajendram, identifié comme l’acquéreur des tableaux, a été déclaré « probablement décédé », d’après la présidente, ce qui pourrait arrêter les poursuites le concernant.
Discussion sur la juridiction appropriée
Le tribunal s’est d’abord attelé à examiner les demandes de report formulées par la défense, en rappelant que chaque défendeur est présumé innocent jusqu’à preuve du contraire. Une requête constitutionnelle déposée pour contester le cumul des poursuites envers Khaled Ali Bugshan a été écartée.
La question de la compétence de la Cour de justice de la République (CJR) pour juger certains anciens ministres, en raison de leurs fonctions pendant la période des faits, a également été débattue. Les avocats ont argué que cette cour pourrait être plus clémente. Jean-Michel Darrois, l’avocat de Nicolas Sarkozy, a mis en garde le tribunal contre une violation potentielle de la séparation des pouvoirs en se déclarant compétent.
Cependant, Quentin Dandoy, représentant le parquet financier, a avancé que lors d’une rencontre avec Kadhafi en Libye en 2005, Sarkozy serait intervenu pour des intérêts personnels, liés à sa candidature présidentielle, et non pour des obligations ministérielles. Cette première joute verbale a montré la tension de ce procès, que l’ancien président devra patienter pour pouvoir exprimer sa propre version des évènements.